13/06/2010

Il y’a quelque chose de pourri au pays du pinard



Cent-trente-cinq, en pointe de l'actu... du mois dernier!
Le présent article dort dans mes cartons depuis au moins un bon mois... Pour des raisons indépendantes de ma volonté (oui les étudiants sont des branleurs, sauf un mois par an, pas de bol c'était celui-là) je n'ai tout simplement pas eu le temps de la poster avant. Mais rassurez vous, après une courte période de coma éthylique post-exams, 135 va revenir pour sa saison d'été, et laissez moi vous dire que ça va envoyer du lourd! Au programme: du sang, des larmes et du cul, à vous en faire oublier la réforme des retraites et le feuilleton de l'été. En attendant les festivités à venir je vous souhaite une bonne lecture. Quand ce ne sont pas les cités parisiennes, la crise grecque ou les volcans islandais qui font trembler la France, ce sont ses jeunes. « Une mode inquiétante » (Jean Pierre Pernaut, Claire Chazal...) s’est emparée de notre belle jeunesse. Qu’elle est elle cette mode ? Il s’agit de jeunes qui par l’intermédiaire du réseau social Facebook organisent de grands rassemblements à but festif dans les centres villes. Enfin, « organisent » le terme est un peu exagéré, disons plutôt que quelqu’un ou qu’un groupe de personnes crée un « événement Facebook » c'est-à-dire crée une page invitant les gens à se rassembler tel jour à tel endroit pour un apéro qui se veut géant. Géant car tout le monde y est invité, le but est d’être très nombreux. Il fait tourner l’info à ses amis qui le font tourner aux leurs et finalement le jour venu l’événement peut rassembler plusieurs milliers de personnes (9000 personnes à Nantes). Vous en avez forcement entendus parler, car depuis quelques semaines, cette « mode » fait les choux gras de nos médias qui de commentaires indignés en reportages sur le terrain viennent de lancer une nouvelle saison de : La jeunesse française est perdue, mon dieu, mais qu’est ce qu’ils ont dans le crâne ces jeunes à la fin !? Quand ce n’est pas la perfide Albion qui exporte le Bitch Drinking pour dépraver les Ados, c’est quelques irresponsables qui par le subversif internet les poussent à la débauche. Mais jusque là, malgré le tapage médiatique autour de ce phénomène, il fallait bien reconnaître que ça sonnait un peu creux comme info. Les discours indignés des journalistes et les interdictions prononcées par les pouvoirs publics ne paraissaient pas trop en adéquation avec l’image « bon enfants » qui ressortait des différentes manifestations ayant eu lieu. Mais depuis le 13 mai ils ont le cadavre d’un jeune homme à exhiber sur la place publique ! Cette pratique irresponsable à dérapé, les pouvoirs publics nous l’avaient prédit et les médias avaient eu raison de s’alarmer. Les discours entendus avaient déjà de quoi faire peur, mais maintenant les derniers irréductibles ne peuvent que reconnaître que tout ce cirque était justifié. Parents de France tremblez, vos chères têtes blondes se livrent à la débauche sur la voie publique.

Déconstructuction d’un discours stéréotypé :

Ces événements posent de gros problèmes de santé publique, car les jeunes se soulent jusqu’à la déraison, pour preuve : on dénombre plusieurs dizaines d’évacuations sanitaires pour coma éthylique lors de l’apéro tragique de Nantes. Ces apéros exposent donc la jeunesse aux ravages de l’alcool. Seigneur dieu ! Les jeunes se bourrent la gueule au pays du pinard ? S’il est certain que l’alcool est une vraie drogue dure qui fait de réels ravage (40000 morts par an), j’ai peine à croire que ce soit ce type de pratiques qui mènent le plus surement dans la dépendance. Dans un pays où selon les standards en vigueur (3 verres par jour) la moitié de la population est alcoolique, un tel argument peut prêter à sourire. Mais au pays du picon bière, ne sont alcooliques que les autres, Mimille peut finir tranquillement son quatrième pastis ce n’est pas le ministère de la santé qui va venir ébranler le zinc de son rade favori.
Le seul vrai risque sanitaire que courent ces jeunes c’est de se blesser ou de se tuer en adoptant des comportements à risques : c'est-à-dire faire n’importe quoi de dangereux sans mesurer que l’on ne tient même plus sur ses jambes. Mais pourtant pas besoin d’apéro géant pour qu’un type se blesse ou se tue en tombant d’une passerelle ou en se plantant dans un platane en bagnole, on peut très bien faire ça tout seul comme des grands ! La seule vraie solution à ce problème ne passe pas par l’interdiction des apéros géants, mais par la responsabilisation du public : ne prenez pas la bagnole quand vous êtes soul, et surtout faites attention aux gens autour de vous il se peut qu’ils se mettent en danger. Surveillez vos amis et vous même, et si vous êtes vraiment sympa les gens que vous ne connaissez pas, et on évitera alors pas mal de tragédies.
Le vrai problème serait donc plutôt sociétal, la société ne supporterait tout simplement pas de voir sa jeunesse se déglinguer. Empêcher les jeunes de se rendre à des apéros géants, c’est les protéger de leurs tendances autodestructrices dues à leur immaturité flagrante. On cherche avant tout à les protéger d’eux même, que c’est louable ! Pourtant quand elle fait ça chez elle, cette jeunesse immature, ça ne gène personne. Ni plus ni moins que quand elle le fait dans les boîtes de nuit, où pour 80 euros la bouteille d’alcool frelaté elle peut tituber jusqu’à plus soif pourvu qu’elle rentre en taxi. Ni même dans la plupart des festivals de l’été, des concerts, des fêtes foraines, des carnavals, des fêtes de villages ou des férias… Où pour la peine on peut être ivre de 7 à 77 ans sans que cela ne devienne une affaire d’état.
La différence se situe au niveau du fait que ces rassemblements provoquent de nombreux troubles de l’ordre public, en témoigne les dizaines de gardes à vus lors de l’apéro à Nantes. Effectivement tout rassemblement de personnes bourrés peut créer des troubles, à plus forte raison si l’on met des agents de police pour les surveiller. Quand on va à la recherche du délit, on le trouve plus vite que si on attend qu’il soit commis, et depuis que les forces de l’ordre ont pour mission de faire du chiffre la gamme des délits provoquant une garde à vue s’est même élargie : ce qui vous aurez conduit en dégrisement il y’a quelques années, vous mène tout droit au gnouf aujourd’hui. Quarante GàV pour 9000 personnes c’est quand même peu, surtout au vu de l’important dispositif policier mobilisé pour l’événement. On peut alors se poser une question : est ce de la tolérance de la part des forces de l’ordre ou bien n’y avait il que si peu de choses à sanctionner ? Surtout que 9000 personne bourrées ça en fait du bordel ! A-t-on déjà vu une commune prendre un arrêté anti-match de foot, pourtant ça en fait aussi du bordel un PSG/OM !
Mais qu’est ce qui pose problème à la fin ? La rue est un espace public et rien n’interdit aux personnes de se rassembler dans cet espace. Le fond du problème tient surtout au fait que ces rassemblements sont spontanés et ne passent pas par le cadre légal des autorisations et du contrôle des manifestations mis en place par les pouvoirs publics, dont de toute façon ils n’obtiendraient jamais les autorisations. L’état voit d’un très mauvais œil que des gens se rassemblent pour faire la fête sans lui demander son assentiment, il a aussi peur des rassemblements spontanés à but politique mais contre ceux là il dispose déjà d’un arsenal légal bien étoffé. Contre les apéros géants il se trouve limité : il ne peut pas interdire au gens de picoler, ni de faire la fête, ni même d’être dans la rue, pourtant il faut quand même sauvegarder l’ordre et la morale, que la place publique reste propre, et surtout que la population ne s’habitue pas à des pratiques (pour l’instant marginales) hors des cadres définis par la loi. Le vrai problème pour l’état est son absence de contrôle sur ces événements.
Les apéros géants ne furent pas les premiers événements à avoir été réprimés pour cette simple raison : les rave-party au début des années 1990, puis les free-party fin 1990 début 2000, ou encore la plupart des soirées étudiantes un peu importantes s’organisant dans les centres villes. Le mode opératoire est toujours le même : en premier lieu une stigmatisation médiatique : « phénomène inquiétant », consommation d’alcool et de drogues, troubles à l’ordre public… On désigne des coupables imaginaires, autrefois c’était la techno, cette « musique de défonce » aujourd’hui c’est Facebook présenté comme un des nouveaux périls d’internet au côté des pédophiles, des sectes et des terroristes. Au final la seule chose que l’on fait c’est présenter aux parents le comportement de leurs enfants comme quelque chose d’aberrant, on creuse ainsi le fossé entre les générations sans même chercher à expliquer ou à comprendre. Après cela l’opinion publique est prête pour la suite. On commence par interdire ponctuellement (arrêtés municipaux ou préfectoraux, pressions sur les organisateurs…), voir par réprimer, toujours ponctuellement, cela dépendant essentiellement des pouvoirs locaux (préfectures et mairies). Par exemple les soirées étudiantes de la rue de la soif à Rennes qui furent tolérées pendant longtemps et peuvent s’apparenter à des apéros géants avant l’heure commencèrent à être réprimés sérieusement avec la croisade d’une nouvelle préfète (Bernadette Malgorne) qui envoya les canons à eau vider les étudiants du centre ville. Et si le problème persiste, on commence alors à légiférer au niveau national. Il y’a fort à parier que si ce phénomène des apéros géants prend de l’ampleur, surtout si il devient sauvage en réponse aux interdictions, qu’une loi donnant des moyens de répression adaptés sera votée. La LSQ votée en 2001 pour mettre un terme au mouvement des free-party en sanctionnant de prison, de saisie de matériel et d’amende les organisateurs d’événement festifs et musicaux rassemblant plus de 500 personnes sans autorisation préfectorale n’est pas adaptée à ce type d’événement. En cause l’anonymat des organisateurs, pour un peu qu’on puisse parler d’organisateur, car diffuser une annonce appelant les gens à se retrouver n’est pas organiser un événement. Et finalement quand le phénomène a du plomb dans l’aile on autorise au compte goutte tout en encadrant. Verra-t-on apparaitre dans quelques temps des apéros géants autorisés dans des espaces loin des centres villes mis à disposition par les mairies ou les préfectures ? Et pourquoi pas sponsorisé par Red-bull et Kronenbourg ? L’état montre ainsi son ouverture d’esprit devant les caméras, file un bout d’os à ronger aux mécontents, et continue à réprimer dans l’indifférence la plus totale tout rassemblement sortant des cadres qu’il a lui-même fixé. Ce qui faisait l’intérêt de ces apéros a alors disparu, les fêtes ne sont plus vraiment libre (attention libre, pas libertaire, aucune connotation politique dans ce phénomène) ni spontanées, ni vraiment conviviales, il ne reste plus que la gnole dans une espèce de fête de la bière version djeunss. Et tout est rentré dans l’ordre au pays du pinard ! Mais peut-être que si l’on organisait des apéros géant à base de Beaujolais et de camembert on pourrait entendre Jean-Pierre Pernod dire au JT de 13h : « Sympathique initiative d’un groupe de jeunes sur internet, ils organisent de grands rassemblements pour profiter ensemble des merveilles de nos terroirs. Entre modernité et tradition, à la rencontre de cette jeunesse française qui défend notre patrimoine, un reportage de Marie Hélène De Moncul sur la Commode et François-Henri Duchemolle » Une initiative à lancer au pays du pinard, autant que cet appel :

« Tous bourrés à 9 heures Soutien aux viticulteurs »






Adrien

Aucun commentaire: