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10/03/2010

This is fucking shit !


Le camion est plein. Comme chaque dimanche, les bénévoles de l'Auberge des Migrants se préparent à aller distribuer des repas aux migrants.

Sur le moment je ne comprenais pas, j’observais, j’emmagasinais, incapable de tirer des conclusions. Ce n’est qu’au bar de la gare, en regardant les gens autour de moi, que j’ai compris ma plongée l’espace d’une après-midi dans un monde parallèle. Un monde avec ses lois, ses repères, ses comportements. Un monde d’hommes et d’ados qui ont traversé minimum 5 pays pour arriver à Calais. Un monde dans lequel Calais veut dire 30km. 30km du But avec un grand B, 30km de l’Angleterre, 30km de ce pays fantasmé dont ils entendent parler depuis le fin fond de l’Afghanistan, du Soudan ou du Viet Nam. Un monde d’incertitude et de peur. Je crois que le déclic vient de là ; je m’étais inconsciemment habituée à cette pression sourde, j’avais passé l’après-midi sur mes gardes sachant très bien que tout pouvait basculer en une fraction de seconde. Je me disais « pour l’instant ça va, attends la suite ». Et en voyant ces gens sereins, ces tables propres et ces vêtements assortis j’ai compris que je pouvais donner le clap de fin. Le film s’est rembobiné et j’ai commencé à halluciner.


Préparation du thé pour les migrants.


Nous étions arrivés à Calais vers 12h45, la distribution de nourriture étant à 13h. Trois associations se relaient pour nourrir les migrants :

- La Belle Étoile s’occupe de la distribution du repas le midi en semaine.

- SALAM assure le repas du soir en semaine et le week end.

- L’Auberge des Migrants gère le midi durant le week-end.

À cela on peut ajouter une association Hollandaise qui vient tous les samedi soir apporter diverses choses et notamment des cigarettes.


Patrice, bénévole de l'Auberge des Migrants, goûte la soupe qu'il a préparé pour les migrants.


Les assos ont obtenu de la mairie un lieu de distribution (ouvert de 13h à 15h le midi et de 18 à 20h le soir tous les jours) : c’est une espèce de grande place goudronnée et grillagée. Deux préfabriqués trônent là et servent de locaux à SALAM et La Belle Étoile. L’Auberge des Migrants n’en a pas et la distribution se fait donc à partir du camion. Malgré le soleil, il fait très froid et un vent glacial tourbillonne. Et quand je dis glacial je pèse mes mots. On s’est pas mal baladé dans Calais et je n’ai jamais eu aussi froid qu’à cet endroit. Je fais la réflexion à un bénévole en lui disant que j’ai vraiment hâte de retourner dans la voiture et il me répond « t’imagines que pour eux après c’est la rue ». J’avoue. 1 point pour les migrants. De chaque coté des prefa il y a des sortes de auvents qui, je crois, sont sensés protéger de la pluie, mais bon on a rarement vu la pluie tomber droite et sans aucun vent.


Les afghans sont les premiers arrivés, au taquet. Ils sont sympas disent « Bonjour, ça va ? » à tout le monde et appellent les femmes de plus de 50 ans « Momie ». Deux petites tables sont installées : l’une avec les sachets repas et la soupe au poulet, l’autre avec le thé. Je me pose à coté du thé et regarde les 100 mecs défiler. Certains viennent avec leurs couvertures, je remarque leurs mains : violettes et gonflées. Les échanges sont toujours les mêmes :

- « Bonjour Momie ça va ? Shoï Momie shoï »

- « Yes shoï, keep your glass please »

- « Yes Momie, merci Momie »

Shoï ça veut dire Thé dans beaucoup de langues et notamment en Patchou, un dialecte afghan qu’ils parlent pour la majorité. De temps en temps il y a des nouveautés :

- « Momie, look, my pant »

- « Yes, I know, I have an other one for you in the car, I’ll give you after »

- « Momie my pant it’s broken »

- « Yes, go to eat, I’ll give you after »


Il y en a quelques uns qui n’ont plus de bonnet, de gants ou de chaussettes. Elle promet à tous de leur en apporter after. Les assos viennent toujours avec des vêtements de base à distribuer. De temps en temps, quand elles ont récupéré assez d’habits, des vestiaires sont organisés avec des parkas, pulls, pantalons, chaussures… Une autre association organise également un vestiaire un samedi sur deux. D’ailleurs, j’ai appris un truc marrant : les migrants n’aiment pas trop le tricoté ni les fringues trop vieilles. Ils veulent des trucs basiques, à la mode, pour passer inaperçus en ville. Le mec du pantalon récupère un jean, il est content.

En voyant ça, je me sens complètement conne, avant de venir je me disais qu’il devait y avoir des problèmes de vols ou d’agressions. Mais à la réflexion ; après avoir traversé toute l’Europe, t’être caché dans des camions réfrigérés, avoir pris la mer alors que tu sais pas nager, à 30km DU BUT alors que t’es nourri et vêtis, je ne sais pas quel mec sur Terre serait assez débile pour risquer de se faire choper par les flics en piquant une pomme ou en sautant sur quelqu’un. Ils passent déjà leur temps à les fuir, ce n’est pas pour se jeter dans la gueule du loup aussi facilement.

Ils s’organisent. Certains gamins viennent chercher du sel au camion et font la distrib’, d’autres ravitaillent leurs copains en thé. On a ainsi eu droit à deux ou trois blagues marrantes :

- « Momie shai please shai »

- « But where is your glass ? »

- « Aaaa sorry, it’s still in Afghanistan »

- ou variante « it’s in England »


Distribution de thé par les bénévoles.


Les afghans sont hyper agités et courent partout, ils jouent au foot, enfin plutôt à une sorte de chandelle. Le but est de lancer le ballon le plus haut possible puis de le rattraper. Ce qui arrive rarement. Je manque de me prendre un ballon dans la tête deux, trois fois et ce jeu augmente mon niveau de stress d’un cran.

J’essaie d’imaginer le nombre de kilomètres qu’ils ont dû avaler, de retracer toutes les étapes, d’imaginer comment ils étaient avant. J’essaie d’enlever les traces de tension de leur visage. J’aimerais tellement pouvoir mettre une camera dans leurs yeux, et voir tout ce qu’ils ont vu. Les histoires sont toutes les mêmes. Fuir les talibans. Ils sont majoritairement ados, de 10 à 20 ans. Les parents s’endettent auprès de tous leurs voisins et les poussent dehors. C’est ça ou le recrutement dans l’armée des taliban AKA mort rapide assurée (les enfants sont plus faciles à endoctriner que les adultes et servent de kamikazes. Et si vous ne me croyez pas checkez La Croix) Je ne m’étais jamais fait la remarque mais les migrants afghans sont donc clairement anti-talibans.

H. raconte que dans son village il y avait « une rue » avec d’un coté les talibans et de l’autre les américains. Les deux camps échangeaient régulièrement des tirs puis un jour une balle perdue et « My sister kapputt ». Le soir même, ses parents les ont mis sur la route de Calais, son frère de 12 ans et lui 14 ans. Les routes sont toutes les mêmes, un peu comme tous les chemins mènent à Rome, tous les passeurs mènent à Calais. D’abord direction l’Iran, passage de la frontière dans la neige (à pied ou à cheval pour les plus pauvres NDLR). Puis la Turquie où son petit frère se fait choper par les douaniers : retour à la case départ pour lui, H. continue tout seul. Il traverse rapidement pour atteindre, à l’ouest, la Méditerranée. À 7 kilomètres seulement des côtes turques il y a une île grecque. Les gamins embarquent à 24 sur 2 bateaux gonflables et prient très fort. C’est une des épreuves les plus difficiles car ils risquent :

1. De tomber à l’eau : c’est fini.

b. il y a une petite variante à cette alternative : un de tes amis/compagnons tombe à l’eau et se noie sous tes yeux.

2. De dériver et de se perdre en mer.

a. être repechés par les gardes côtes : retour à la case départ.

b. tempête/ rocher/ bateau/ déshydratation : c’est fini.

3. d’arriver sur l’île.

a. pas au bon endroit, pas au bon moment : c’est fini.

b. accueillis par des douaniers pas sympas : retour à la case départ.

c. accueilli par des douaniers sympas : camp de rétention, libération.

d. au bon endroit, au bon moment. Ils peuvent aller directement aux ferrys.

H. a eu de la chance il est tombé sur l’option 1. + 3.c. Après 15 jours en camp de rétention il est libéré et embarque dans un camion sur un ferry. Italy - France - Nice - Calais. Calais - camion - UK. End of the story.


La température extérieure flirte avec les 0°C et le vent souffle très fort. Un afghan se réchauffe les mains contre le thé.


D’autres, africains, arrivent et s’installent avec nous. Les afghans courent toujours, quelques bénévoles commencent un foot avec eux. Il y en a un qui vient me parler, il veut que j’aille voir ses potes. Je suis assez mal à l’aise. Pour l’instant nos échanges se sont résumés à des, finalement universels, « Mademoiselle-Mademoiselle, Bonjour Mademoiselle. », des mains serrées et des regards mi-matteurs mi-gênés pour eux comme pour moi. Je n’ai aucune idée du rapport qu’ils ont aux femmes de 20 ans. En Afghanistan il y a deux catégories : leurs petites sœurs, enfants, et les plus grandes, voilées. Puis il y a les autres, celles qu’ils découvrent petit à petit avec l’Europe. Je prends le temps deux minutes, de tirer la métaphore et d’envisager cette traversée comme un voyage initiatique, une étape leur donnerait les clefs culturelles de leur installation en Angleterre. Un enseignement par la pratique de « c’est quoi l’Europe ». Je me dis qu’ils doivent être sacrement perdus en ayant côtoyé autant de cultures en si peu de temps. J’ai envie de leur demander. Mais pour ça encore faudrait-il que je leurs parle. Je commence à partir dans mes délires et note un autre truc qui me dérange profondément : on soupçonne des histoires d’agressions sexuelles et pédophilie. On a aucune preuve mais, de tout temps, dans toutes les civilisations, on a vérifié l’équation : milieu exclusivement masculin + promiscuité + longue durée = sexe. Je crois que c’est ce qui me dégoûte le plus dans cette histoire : ces gamins n’ont rien, que dalle, on leur a tout pris. Ils n’ont pas de statut, ils n’ont pas de papiers, ils n’ont pas de pays, ils n’ont pas de parents, et il faut en plus que l’on touche à leur cul pour leur prendre le dernier truc qu’ils auraient pu avoir. Le ballon s’écrase une nouvelle fois près de moi, et les gamins rigolent en criant « Again, again » alors que je tente de les calmer. Je croise le regard d’un africain qui observe la scène, dépité, après un soupir il me lâche « This is fucking shit ».

Yes. This is fucking shit.


Texte : Laurie Pandora

Photos : Aurélien Bacquet

03/03/2010

Harry JR Mitchell x Laurie


Dans la banlieue de Santiago samedi 27 février, après le séisme. (Photo Reuters)

En école de commerce il y a des gens qui vont à la messe, ont leur carte au FN et te regardent droit dans les yeux en disant « c’est statistiquement prouvé, les versaillais sont plus intelligents que le reste de la population française ». Mon ancien colloc' étant un de leurs sympathisant, pas un fervent défenseur mais un sympathisant. Ce qui dans la vie de tous les jours peut t’amener à des débats plutôt marrants.

J’ai toujours été fascinée par cette « population », leur capacité à jongler entre la défense de leurs théories et le silence réglementaire. Comme au lycée quand tu voyais qu’étonnamment Amédée ne la ramenait pas beaucoup, et qu’après lui avoir proposé 3 fois de prendre la parole il balançait à bout de nerfs que « c’était quand même contre-nature qu’un mec touche un mec, merde. ».

Ce que je trouve génial, ce sont les arguments logiques mis en avant pour défendre une théorie qui d’elle-même démonte déjà une bonne tripotée d’arguments logiques. Par exemple « non mais c’est logique, mathématiquement on ne peut pas accueillir les 6 milliards de terriens sur le territoire français parce que y'a pas la place. Et c’est pas juste de dire oui à toi et non à l’autre, donc moi j'trouve ça normal de dire non à tout le monde : j'veux dire on a pas le choix » J’adore. Redorer son blason en fin de citation, balance la justice en mode fourbasse, c’est assez habile, c’est presque charitable d’ailleurs. Il a bonne conscience, l’essentiel est là.

C’est un raisonnement complètement différent du mien : décider d’une théorie puis trouver des arguments pour justifier sa croyance VS étudier les arguments qui la justifie puis choisir une théorie. Je n’aurais pas la prétention de dire que l’un des raisonnements vaut mieux que l’autre. Je ne sais pas d’où ça vient. Peut être de la religion : à partir du moment où l’on croit au créationnisme on est prêt à toutes les pirouettes d’esprits.

Bref, ces gens là ne lisent pas Libé. Ce qui peut s’avérer assez pratique puisque j’ai toujours eu du mal à m’organiser ; 2 mois après je n’ai toujours pas changé l’adresse de mon abonnement. Quand je passe chez eux, j’ai donc toujours le plaisir de retrouver mes journaux intacts, emballés, proprets, waiting for me. Ce week-end j’ai mis la main sur un Next (celui avec Emmanuelle Seigner en couverture et Diesel en contributeur principal).

Y’avait un reportage sur les homos/trans iraniens en exil au Pakistan qui m’a mené jusqu’à ce post. Mais à la réflexion les photos m’emmerdent un peu. Un peu trop dans le délire un rien pour un tout. Le genre de plan rapproché sur le reflet d’un miroir, une clope fumante et deux pov doigts avec une légende à rallonge type « Amir est arrivé ici il y a deux ans, il ne parle à personne, les voisins pourraient le dénoncer ou le punir, son mec est réserviste dans l’armée tamoul, il n’a pas de nouvelles depuis 3 mois et songe au suicide »... BORING.


Pandora.




Harry JR Mitchell vit en Angleterre, à Brighton. Voici un aperçu de ses photos et son blog : www.harrymitchell.wordpress.com




28/02/2010

I fuck all the time



Laurie m'a envoyé ça, j'ai toujours eu des doutes sur elle. Déjà en CM2 je trouvais ses petites robes louches. Je suis sûr qu'elle se foutait des corsets en alligator en dessous.

Les photos sont de Dana Goldstein.

Aurélien.




J’ai envie d’écrire. Il paraît que ça aide à réfléchir. J’ai mis mon cerveau en pause jeudi vers 22h18. Depuis ma perception des choses est complètement altérée. Je me souviens avoir perdu une chaussure puis l’avoir retrouvée pour perdre la première. J'me souviens avoir fait mon code pour une teille de whisky mais n’en avoir bu qu’un verre. Je me souviens avoir été saoulée par mon téléphone et l’avoir par conséquent balancé un peu partout et contre tout. Il fait gling gling maintenant, c’est cool. Je me souviens avoir dormi, beaucoup, 12heures d’après les horloges de l’appart. Plus tôt dans la journée j'me souviens être allée au Mac Do et faire demi tour une fois arrivée devant la caisse. En revanche je n’arrive pas à me souvenir si j’ai enlevé mon tee shirt ou pas. D’après mes sms j’ai débattu avec un pote de la meilleure façon de se suicider. Je me souviens avoir bu du sirop Teisseire à la framboise tellement vieux qu’il y avait des grumeaux. J'me souviens avoir vomi les grumeaux. J’ai également fait de la semoule mais je ne l’ai pas mangé parce que j’ai eu peur des petits grains. J’ai eu peur qu’ils se coincent quelque part dans mon corps et qu’ils m’empêchent de vivre. En plus le suicide par injection de semoule est clairement has been.
Y'a des événements dont je suis plus ou moins sûre. J’ai dormi sur le canap du salon, j’ai été réveillée par ma voisine qui avait dû décider de déménager à 4h du mat'. Ca m’a mis dans un état de stress incroyable. Sueurs froides et cœur à fond les ballons. En revanche je n’arrive toujours pas à m’expliquer pourquoi.
Je me souviens avoir reçu des appels, regardé mon téléphone sonner mais ne pas décrocher. J'me souviens avoir matté des photos pendant 37 minutes pour me calmer. Les gens faisaient du bruit dans la rue, j’avais l’impression d’être dans une immense fête au village à laquelle ma raison n’était clairement pas invitée. Une voiture faisant un bruit de dingue est passée. J'm’en souviens parce que ça m’a réveillé. Je ne sais plus si les flics sont venus, des filles criaient dans la rue en tout cas.


Pandora.





16/02/2010

Massimo Siragusa

"Un être vous manque et tout est dépeuplé", y'a un vers qui dit ça, perso quand un être me manque je me sens comme une bamba triste… héhé.
Non plus sérieusement, quand je suis triste j'ai un peu l'impression d'évoluer dans le Paris figé des photos de Doisneau. Pas celles sur les écoliers polissons qui te donneraient envie d'avoir 4 gosses avec le premier venu… Et je dois dire que ce voisin de métro me parait parfait… en plus vu sa gueule, il ne risque pas de me faire chier sur la garde alternée. S'il ne réagit pas à mes discrètes pressions je continue ce post.

Bon je disais, Spleen sentimental, donc pour couper court à ce sentiment je mate les photos de l'italien Massimo Siragusa.
Massimo a fait pas mal de pub notament pour Lavazza, Alfa Romeo et aéroport de Milan. Il a reçu le deuxième prix du World Press Photo en 2008 dans la catégorie Art Stories pour sa série Tempo Libero. Et c'est à peu près tout ce que l'on peut dire d'intéressant sur lui. Mais à la limite on s'en fout, ses photos ultra bright à la Martin Parr sont tout ce qui m'importe.


Laurie.





World Press Photo

Le prix World Press Photo 2009 a été décerné à l'italien Pietro Masturzo pour son cliché d'une femme criant sur les toits de Téhéran.
Ce n'est pas de la douleur, ce n'est pas non plus un appel à la haine. Elle a juste les mains autour de la bouche et a l'air de gueuler assez fort pour gagner le plus prestigieux prix de photojournalisme.




Le jury se justifie en disant (et je cite Kate Edwards): "The photo has a powerful sense of atmosphere, tension, fear - but also of quietness and calm, and in this sense was a challenge as a choice. We were looking for an image that drew you in, took you deeper, made you think more - not just about showing what we already know, but something that asks more of us."
Nous sommes d'accord cette photo est très belle et il est vrai que l'aspect artistique a tendance à se perdre dans le journalisme actuel: oscillant plutôt entre photos sanguinolentes et mobiles upload. Le jury rappelle que chercher à choquer avec des photos trash ne suffit pas.
Ok, c'est noté.

Mais bon c'est quand même hyper snob de choisir ce type de photo pour témoigner d'une révolution où des mecs se font tuer un peu partout et jusque dans leurs chambres d'étudiants.

Et c'est quand même une putain d'avancée que de pouvoir être saoulé par toutes ces photos qui montrent "what we already know", surtout dans un pays où les chaines d'info sont censurées, les journalistes étrangers renvoyés back home et les autres direction la prison.
C'est ainsi que nous avons une mention spéciale pour une photo extraite d'une vidéo de portable. Vous savez celle de la nana qui se prend une balle en pleine tête en pleine rue et qui devient pour le monde entier et pour quelques semaines le symbole de toute une génération, une martyre de la répression …

Or donc ce que nous dit le jury de ce prestigieux prix c'est "journalisme d'un coté et art de l'autre". Les mecs qui sont dans la manif sont de toutes façons foutus, donc ils s'occupent d'envoyer des photos avec leurs portables, et les gentils photographes prennnent de jolies photos sur les toits.

Je trouve ça un peu triste. Bien sûr que c'est top d'être submergé d'images et d'infos pour ce type d'événement, bien sûr que c'est génial qu'un téléphone portable et une connexion internet suffissent à te donner une voix au niveau mondial. Mais je reste hyper tradi: pour moi le talent d'un reporter c'est : 1. d'avoir les couilles d'aller là où ça chauffe et 2. d'avoir le sang-froid et l'intelligence d'y prendre des photos de dingue.
J'ai l'impression qu'aujourd'hui on envoie chier les reporters à la Capa, que la noble vocation de défendre l'information au péril de sa vie est clairement has been et que Joseph Kessel serait une célébritée. Les petits garcons rêvent d'attraper des pokemons, ma soeur se déguise en Paris Hilton pour le carnaval et Magnum vend ses archives à Michael Dell, Sale Epoque.



Heureusement que l'Argentin Walter Astrada est là, tradi à souhait, pour gagner le prix dans la catégorie "spot d'actualité' avec cette photo beaucoup trop marrante.


Laurie.

09/02/2010

James Nachtwey x Laurie Pandora


Ca fait environ un mois que j'ai envie de dire ça : "je te présente Laurie, on était au CM2 ensemble".
Ici c'est Laurie, avec qui j'étais en CM2, qui présente James Nachtwey.

Voici les photos de Jimmy en Haïti, et le site de son agence, VII.

Aurélien.



"James Natchwey est photographe de guerre.
J.N a tout fait, a tout vu. C’est un peu le grand sage dans Kirikou, sauf que sa life est moins funky que la route des flamboyants.
James a choisi son métier, dans un contexte où Facebook , Twitter et Photoshop n’existaient pas. À une époque où ces mecs étaient les seuls à pouvoir s’opposer efficacement aux discours politiques en témoignant photos à l’appui, bref à une époque où ce taff était encore reconnu.
Jimmy, c’est un peu le mec qui te pousse à penser que les hommes ont des destins et que le sien était clairement de prendre des photos dans de sales endroits. Il cherche toujours à aller au plus proche de l’action, prends donc des risques hallucinants, mais vit toujours. Il y a, par exemple, cette série sur les émeutes en Indonésie à la fin du régime de Suhardo : un homme passe à coté de lui en courant, poursuivit par d’autres mecs qui ont clairement décidé de lui couper la tête ; au lieu de fuir, J. Natchwey s’engage dans la course et photographie tout jusqu’à la tête qui roule.
Il existe un film sur James N. Il s'appelle War Photographer et a été réalisé par le suisse Christian Frei. C’est marrant, la plupart des plans sont filmés par une caméra calée sur son front parce que trop peu de cameramen sont prêts à l’accompagner.
Sur son site y'a écrit "I have been a witness, and these pictures are my testimony. The events I have recorded should not be forgotten and must not be repeated". Perso, j’ai envie d’y croire."


Laurie.