26/02/2010

Les p’tits papiers







Il fallait bien qu’un jour je me décide à poster un article sur ce blog, car la position attentiste qui a été la mienne jusque-là risquait de me faire encourir les foudres de mes camarades plus prolixes dans la rédaction de leurs billets.

Après une longue phase de réflexion sur ce qui pourrait constituer un article sur Centtrentecinq, j’ai décidé que ce serait de littérature dont allait parler mon premier post. Comme beaucoup de gens je lis des romans policier. Vous savez, ces bouquins où généralement les flics sont sympas et mènent des enquêtes pleines de rebondissements pour arrêter de vrais méchants « qu’on est content de les voir en taule (ou mort) à la fin ».

Oui je sais, c’est une vision romanesque de la police, ici pas de bavures, ni d’abus de pouvoirs, pas d’intrigues basées sur des délits d’automobiliste ou de tapages nocturnes. On est le plus souvent à des milliers de kilomètres de la réalité du métier d’inspecteur, de gendarme ou de détective privé. Mais imaginez un instant que pour passer le temps dans les transports en commun, vous deviez vous taper 300 pages sur les enquêtes du capichef Nanard gendarme à Hudimesnil, franchement je crois que vous préféreriez de loin vous taper la soupe prédigérée d’informations insipides du Direct soir. Imaginez au contraire, si la vraie vie ressemblait à un roman : hé bien, je vous le dis, ce serait le bordel. En se basant sur une série policière moyenne se déroulant dans une petite ville, et à compter de la parution d’un bouquin tous les ans sur dix ans, la population du secteur serait assez vite décimée par environ quatre guerres des gangs et cinq ou six psychopathes. Donnant des chiffres d’insécurité capable de faire élire Brice Hortefeux président de la république à vie.

Donc le roman policier ce n’est pas la réalité, c’est du divertissement, du plaisir de lire, du suspense, des personnages attachants, des ambiances… Enfin pas uniquement, il est des auteurs qui lient le roman policier à la culture militante en basant leurs romans sur des faits historiques réels. On citera par exemple : La position du missionnaire de Jean-Paul Jody, livre très bien documenté, dont l’intrigue nous fait découvrir les dessous du génocide au Rwanda. Ou les romans de Didier Daeninckx qui s’appuient sur des faits comme la manifestation sanglante du 17 octobre 1961, les fusillés pour l’exemple de 1917, ou encore les zoos humains de l’exposition coloniale de 1931. Il s’agit évidemment d’auteurs engagés, on parlera plus généralement de roman noir pour désigner un polar inscrit dans une réalité sociétale précise et porteur d’un discours critique sur cette réalité, ce qui franchement n’a rien à voir avec Julie Lescaut et c’est tant mieux.

Les éditions Baleine se sont fait une spécialité dans ces romans engagés (plutôt à l’extrême gauche), et s’est construit une réputation par la lutte contre l’extrême droite. Mais cet éditeur à l’intention d’ajouter à son catalogue un certain François Brigneau, et ce n’est pas du tout du goût des autres auteurs publiés chez Baleine.

Pour comprendre il faut voir le CV de ce François Brigneau : il s’engage dans la milice en 1944 ce dont il « tire une certaine gloire » encore aujourd’hui, et c’est pourquoi il finit en taule à la libération. Une fois dehors il se lance dans une carrière de journaliste pour différents journaux (entre autres): La dernière lanterne (journal de sympathisants de l’Action Française), L’indépendance Française (encore une résurgence de l’Action Française), Minute (journal de la droite extrême puis de l’extrême droite) et National Hebdo (le journal du FN). Il s’engage également en politique dans différents partis de la droite nationaliste, devient membre de l’ordre nouveau (cliquez sur le lien, je suis sûre que vous connaissez au moins le symbole) avant de devenir cofondateur du FN. Le mec est aussi écrivain, notamment de polar c’est pour ça qu’il a atterri chez Baleine, mais les livres qu’il publie par l’intermédiaire de sa propre maison d’édition sont également édifiant sur la mentalité du bonhomme Si Mussolini était conté ; Philippe Pétain : Le chef de guerre – Le chef de paix – Le chef de l’état nouveau – Le théoricien de la révolution nationale – Le maudit : 40 ans après sa mort ; Le jour où il tuèrent Philippe Henriot. Voici quelques exemples de la littérature de François Brigneau, mais je m’arrête là car je commence à sérieusement avoir la nausée.

Vous l’aurez donc compris ce François Brigneau est un facho pur porc, c’est pour ça que les auteurs publiés chez Baleine crient à la trahison et veulent empêcher son entrée au catalogue de la maison d’édition.

Mais ce qui me surprend le plus c’est qu’en parcourant sur le net les articles traitant de ce sujet j’ai trouvé un nombre relativement important de commentaires qui y dénonçaient une censure de la part des auteurs en colères, ils bafoueraient la liberté d’expression, rien que ça ! Ce à quoi je répondrais : vous avez beau respecter la liberté d’expression, ce n’est pas pour autant que vous aimeriez voir votre pire ennemi dîner à votre table. En tout cas moi je n’aimerais pas manger à celle de François Brigneau.


Adrien.

Voir les articles sur Rue 89 et Slate.fr ainsi que la bio complète de François Brigneau sur Wikipédia.


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