16/02/2010

World Press Photo

Le prix World Press Photo 2009 a été décerné à l'italien Pietro Masturzo pour son cliché d'une femme criant sur les toits de Téhéran.
Ce n'est pas de la douleur, ce n'est pas non plus un appel à la haine. Elle a juste les mains autour de la bouche et a l'air de gueuler assez fort pour gagner le plus prestigieux prix de photojournalisme.




Le jury se justifie en disant (et je cite Kate Edwards): "The photo has a powerful sense of atmosphere, tension, fear - but also of quietness and calm, and in this sense was a challenge as a choice. We were looking for an image that drew you in, took you deeper, made you think more - not just about showing what we already know, but something that asks more of us."
Nous sommes d'accord cette photo est très belle et il est vrai que l'aspect artistique a tendance à se perdre dans le journalisme actuel: oscillant plutôt entre photos sanguinolentes et mobiles upload. Le jury rappelle que chercher à choquer avec des photos trash ne suffit pas.
Ok, c'est noté.

Mais bon c'est quand même hyper snob de choisir ce type de photo pour témoigner d'une révolution où des mecs se font tuer un peu partout et jusque dans leurs chambres d'étudiants.

Et c'est quand même une putain d'avancée que de pouvoir être saoulé par toutes ces photos qui montrent "what we already know", surtout dans un pays où les chaines d'info sont censurées, les journalistes étrangers renvoyés back home et les autres direction la prison.
C'est ainsi que nous avons une mention spéciale pour une photo extraite d'une vidéo de portable. Vous savez celle de la nana qui se prend une balle en pleine tête en pleine rue et qui devient pour le monde entier et pour quelques semaines le symbole de toute une génération, une martyre de la répression …

Or donc ce que nous dit le jury de ce prestigieux prix c'est "journalisme d'un coté et art de l'autre". Les mecs qui sont dans la manif sont de toutes façons foutus, donc ils s'occupent d'envoyer des photos avec leurs portables, et les gentils photographes prennnent de jolies photos sur les toits.

Je trouve ça un peu triste. Bien sûr que c'est top d'être submergé d'images et d'infos pour ce type d'événement, bien sûr que c'est génial qu'un téléphone portable et une connexion internet suffissent à te donner une voix au niveau mondial. Mais je reste hyper tradi: pour moi le talent d'un reporter c'est : 1. d'avoir les couilles d'aller là où ça chauffe et 2. d'avoir le sang-froid et l'intelligence d'y prendre des photos de dingue.
J'ai l'impression qu'aujourd'hui on envoie chier les reporters à la Capa, que la noble vocation de défendre l'information au péril de sa vie est clairement has been et que Joseph Kessel serait une célébritée. Les petits garcons rêvent d'attraper des pokemons, ma soeur se déguise en Paris Hilton pour le carnaval et Magnum vend ses archives à Michael Dell, Sale Epoque.



Heureusement que l'Argentin Walter Astrada est là, tradi à souhait, pour gagner le prix dans la catégorie "spot d'actualité' avec cette photo beaucoup trop marrante.


Laurie.